2. La dépression est reprise dans la plupart des tableaux de bord de la promotion de la santé : objectifs 6.3. et 6.7 de Healthy People (USA), objectif 7 du Haut Comité de la Santé Publique (France), objectif 16 de la Politique de la Santé et du Bien-être du Gouvernement du Québec, le but 12 des Buts de la Santé pour Tous.
3. En dépit de réelles difficultés pour définir et opérationnaliser le concept de prévention en santé mentale4 5 , il existe une littérature croissante portant sur l'efficacité de certaines interventions de promotion de la santé mentale. D'une manière générale, les premières tentatives de systématisation des interventions visant à prévenir la dépression, à en éviter l'aggravation ou la répétition fournissent des résultats plutôt favorables6 7. Un ouvrage récent a mis en avant l'efficacité des interventions fondées sur le concept de support social et visant à prévenir la dépression des groupes vulnérables par une approche par les facteurs de risque8. Le "San Francisco Depression Prevention Research Project" a également mis en évidence l'efficacité d'interventions de type cognitif et behaviouriste sur l'incidence de dépression dans les groupes socio-économiquement plus défavorisés9. D'autres interventions de type promotion de la santé ont montré leur efficacité dans la prévention ou le traitement de la dépression : c'est le cas de l'exercice physique10 et des aides à la recherche d'un emploi pour les chômeurs11 . Dans ce dernier cas, le programme "Preventive Job Search Intervention" a mis en évidence une réduction d'un tiers du risque d'épisode dépressif grave chez des personnes sans emploi, ouvrant ainsi un potentiel d'intervention important auprès de personnes à risque et identifiables. Il existe une littérature très abondante sur l'efficacité des anti-dépresseurs. Nous n'avons toutefois pas retenu la pharmacothérapie de la dépression, étant donné l'objet de ce tableau de bord. Sur base des éléments antérieurs et considérant la mission sociale des Centres de Santé mentale12 , nous proposons d'une part un objectif de réduction globale de la prévalence de dépression, d'autre part un objectif de réduction de la sur-prévalence de la dépression auprès des populations socialement défavorisées.
4. La probabilité de présenter un deuxième épisode dépressif est de 50% suite à un premier épisode, de 70% après 2 épisodes et 90% après 3 épisodes, de telle sorte que la dépression apparaît de plus en plus comme une affection chronique13 . La prévention (secondaire cette fois) doit donc viser à réduire la récidive de la dépression.
5. Le suicide constitue la troisième cause de mortalité en termes d'années potentielles de vie perdues (APVP) chez les femmes et la quatrième chez les hommes14 . Il apparaît également comme une préoccupation centrale de tous les tableaux de bord de santé publique ou de promotion de la santé. En matière de prévention du suicide, une littérature très abondante génère des conclusions très divergentes sur l'efficacité de telle ou telle intervention dans la prévention du suicide15 16 17 18 19 . En ce qui concerne la prévention du suicide chez les jeunes, les résultats de quelque 11 études d'impact faites à ce sujet montrent qu'il n'existe, à l'heure actuelle, pas de preuve de l'efficacité des programmes scolaires de la prévention du suicide. Ces derniers ont un effet bénéfique sur les connaissances en matière de suicide mais ont un effet nul voire néfaste en ce qui concerne les attitudes et les risques20 21.
Figure 4-1. Retard Scolaire dans le cycle primaire:
CFB, 1991-1993.
6. Les troubles de l'apprentissage (TA) ne sont en général par repris par dans les objectifs de santé publique, que se soit celui des Buts de la Santé Pour Tous, de Healthy People ou du Politique de la Santé et du Bien-être. Pourtant plusieurs éléments militent en faveur de leur inclusion dans un tableau de bord en promotion de la santé. En premier, les troubles de l'apprentissage constituent un facteur invalidant qui pèsent durablement sur toute la vie et la trajectoire sociale des individus22 . En deuxième lieu, certains troubles d'apprentissage sont en partie évitables, entre autre ceux qui sont liés au faible poids de naissance, à la période périnatale en général, aux premières années de la vie (trauma crâniens, méningites) ou encore à l'alcoolisme ou au tabagisme de la mère. Le dépistage précoce des TA permet une remédiation via diverses formes d'intervention (logopédie, psychothérapie,...) en fonction de la nature neurologique, cognitive ou affective du problème diagnostiqué. Il semble également que ce phénomène soit relativement important : la fréquence annuelle de contact avec un professionnel de la santé mentale est de 5.5%23 en France chez les enfants de 4 à 7 ans. En Communauté française de Belgique, le dépistage des troubles spécifiques de l'apprentissage (TSA) au Centre de Santé de l'UCL indique que 5.8% des sujets en 3ème maternelle sont considérés comme étant affectés par un déficit sérieux en ce domaine24 . L'importance du retard scolaire dès les premières années de l'enseignement primaire traduit ce problème de santé : en deuxième année primaire, 16 % des élèves sont en retard (Figure 4-1). Enfin, il est clair que les Centres IMS considèrent cet aspect de la santé des enfants comme une de leur priorité : "l'approche du dépistage neuropédiatrique des enfants de 5 à 6 ans s'inscrit dans un ensemble de mesures centrées sur l'objectif prioritaire de la prévention des échecs scolaires précoces et sur la réussite en lecture "25 . Actuellement 30% des Centres de Santé engagés dans la rénovation (soit ± 70% de l'ensemble des centres) réalisent des examens de dépistage neuropédiatriques : en d'autres termes, 1 centres sur 5 réalise ce dépistage26. Toutefois, deux difficultés se manifestent en ce qui concerne tant la fixation d'un objectif en cette matière que son pilotage : les IMS ne collectent pas en routine et sur un format uniforme informatisé leurs activités de dépistage et, d'autre part, peu d'études attestent de manière systématique de l'efficacité de ce genre de dépistage. Nous ne retiendrons donc pas d'objectif en cette matière .
7. La consommation de psychotropes n'échappe à aucun des
tableaux de bord revus27
et couvre le plus souvent tant la consommation d'alcool que celle de médicaments
ou de drogues illicites. Le But 17 de la Santé Pour Tous regroupe
dans cette catégorie la lutte contre le tabac, les assuétudes
médicamenteuses, l'alcool et les drogues illicites. Si la consommation
d'alcool peut être plus ou moins suivie par des indicateurs de consommation,
la tâche est moins évidente pour la dépendance médicamenteuse
ou , les drogues illicites. Une synthèse des données
disponibles sur les assuétudes (alcool, médicaments et drogues
) est régulièrement réalisée en CFB28.
Nous retiendrons ici d'une part un objectif de réduction de la mortalité
par cirrhose du foie qui est un bon indicateur de la mortalité liée
à la consommation excessive d'alcool ; par ailleurs, nous retiendrons
également un objectif lié à la consommation de drogues
chez les jeunes sur base des enquêtes PROMES.
Encadré
4. Objectifs de Résultats en Santé Mentale selon des Responsables
de Centres de Santé Mentale.
Les troubles du comportement, les troubles du développement
psychologique, les troubles instrumentaux, l'insertion sociale, la maltraitance,
les troubles mentaux chez les adolescents et les adultes, les passages
à l'acte en matière de toxicomanie; diminution de nombre
des intervenants autour d'une personne ou d'une famille; diminution du
nombre de professionnels sollicités; diminution des hospitalisations
psychiatriques
|
8. Le présent travail a réalisé une enquête
par questionnaire semi-structurée auprès de 15 Centres
de Santé Mentale en Communauté française. Le questionnaire
(annexe 1) visait à connaître les objectifs de résultats
visés par les responsables de ces centres. Nous avons reçu
6 réponses avec un maximum de 1 rappel. Le faible taux de
réponse et le contenu des réponses traduisent la difficultés
d'identifier les résultats visés par les acteurs, la
confusion entre le service et le résultat visé, le refus
explicite d'identifier des problèmes spécifiques cibles ou
encore le déni de pertinence du concept de prévention en
matière de santé mentale. L'encadré ci-contre présente
les thèmes qui, malgré tout, ressortent de cette mini-enquête.
9. La démence constitue un problème de santé publique
majeur, amplifié par la croissance démographique absolue
et relative de la population âgée. Le projet PAQUIST
dans la Gironde française estime à 4.31% la prévalence
globale de démence dans le groupe 65 et +. La maladie d'Alzeihmer
en représenterait la majeure partie avec 3.1%29
. Toutefois nous n'avons pas retenu cette problématique de
santé publique car, à l'heure actuelle, aucune mesure de
prévention primaire ou secondaire n'est connue en ce qui concerne
la démence de type dégénératif. La prévention
des démences mécaniques (liée à des contusions,
à des hématomes), toxiques (neuroleptiques, toxiques CO),
carentielles (vitamine B1, B12 ), infectieuses (neurosyphilis, Creutzfeldt-Jackob,
méningo-encéphalite) ou de type vasculaire artériopathique
relève de la prévention de problèmes de santé
spécifiques (accidents, maladies infectieuses, accidents vasculaires
cérébraux,...).
1 Région Wallonne, Décret organisant l'agrément et le subventionnement des services de santé mentale, Moniteur Belge du 23.05.1996.
2 Assemblée de la Commission Communautaire française, Décret relatif à l'agrément et aux subventioins des services de santé mentale, le 12.04.1995.
3 Arrêté Royal Organique du 13.08.62, article 3 §1.
4 BERGHMANS L, LEVEQUE A, DEVILLE L et alii, Promo-Santé 2000, vol 1, chap. 4, 205-210.
5 CASSIERS L, Prévention en Santé Mentale. XXIII congrès de sciences " de la biologie à la santé", Mons, Mars 1985. In : Probio Revue, 9, 1, 91-100.
6 HOSMAN C, VELTMAN N, Prevention in Mental Health : a review of the Effectiveness of Health Education and Health Promotion n°11. Utrecht : Landeliik Centrum.
7 HODGSON R, ABBASI T, CLARKSON J, Effective Mental Health Promotion : a literature review. In : Health Education Journal, 1996, 55, 55-74.
8 MURRAY JOANNA, Prevention of Anxiety and Depression in Vulnerables Groups. London : Gaskell, 1995.
9 MUÑOZ RF, YU-WEN YING, The Prevention of Depression : Research and Practice. Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1993.
10 BYRNE A, BYRNE DG, The Effect of Exercice in Depression, anxiety and other mood states : a rewiew. In Journal Psychosom. Research, 1993, 37 (6) : 565-574.
11 PRICE RH, VAN RYN M, VINOKUR AD. Impact of a Preventive Job Search intervention on the likelihood of depression among the unemployed. In : Journal of Health Soc. Behaviour, 1992, 33 (2) : 158-167.
12 Conseil Communautaire Consultatif de Prévention de la Santé, Ministère de la Communauté française. Rapport du groupe thématique "Santé Mentale" sur la prévention dans les SSM,1986, 3.
13 DEPRESSION GUIDELINE PANEL, Depression in Primary Care : detection, diagnosis and treatment. Quick Référence guide for clinicians, n°5, (AHCPR Publication n° 93-0552), 1993, Rockville, MD : US Public Health Service.
14 CROSP-IHE. Statistiques de décès en Communauté française pour l'année 1988. Ministère de la Culture et des Affaires Sociales, Bruxelles, IHE, 1994.
15 PLOEG J, CILISKA D, DOBBINS M et alii; A Systematic Overview Of Adolescent Suicide Prevention Programs. In : Canadian-Journal-Of-Public-Health-Revue-Canadienne-De-Sante-Publique. Sep-Oct 1996; 87 (5) :
16 GUNNELL D, FRANKEL S, Prevention of suicide: aspirations and evidence BMJ. 1994 May 7; 308 : 1227-33
17 LESTER D, The effectiveness of suicide prevention centers. In : Suicide-Life-Threat-Behav. 1993 Fall; 23(3): 263-7
18 GARLAND AF, ZIGLER-E, Adolescent suicide prevention. Current research and social policy implications. In : Am-Psychol. 1993 Feb; 48(2): 169-82
19 HORNBLOW AR, The evolution and effectiveness of telephone counseling services. In : Hosp-Community-Psychiatry. 1986 Jul; 37(7): 731-3
20 PLOEG J, CILISKA D, DOBBINS M et alii; A Systematic Overview Of Adolescent Suicide Prevention Programs. In : Canadian-Journal-Of-Public-Health Sep-Oct 1996; 87 (5) :319-324.
21 MORGAN HG, EVANS M, JOHNSON C, Can a lecture influence attitudes to suicide prevention ? In : Journal of the Royal Society of Medecine, 1996, vol 89, 87-90.
22 LOUTE J, FLAGEY D, La réadaptation et le traitement des enfants atteints de troubles spécifiques de l'apprentissage scolaire. In : Santé Scolaire, 1991 (4) 3-10.
23 FOMBONNE E, VERMEERSCH S, Les enfants de la Cohorte GAZEL : I - Prévalence des contacts avec le système médico-éducatif pour des motifs psychologiques et facteurs associés. In : Rev. Épidémiologie et Santé Publique, 1997, 45, 29-40.
24 THIEFFRY Ph, Dépistage des difficultés d'apprentissage en 3 ème maternelle. In : Santé Scolaire, 1995 (32), 16-25.
25 MEERSMANS-WANTENS M, Dépistage des difficultés et troubles des apprentissages scolaires. In : Santé Scolaire 1995 (32) 21-25.
26 Données non publiées, communiquées par un responsable du secteur de la médecine scolaire.
27 Sixième objectif du Gouvernement du Québec, objectifs 4.x de Healthy People 2000, but OMS 17.
28 Comité de Concertation sur l'alcool et les autres drogrues de la Communauté française, première édition en 1991 et deuxième en 1993.
29 LETENNEUR L, DARTIGUES JF, Maladie
d'Alzheimer : bilan des données épidémiologiques.
In : L'année Gérontologique 1994, suplément, Serdi,
Paris 1994.